Opium noir (8) : Indochine

Rapport de mission n° 91
Date de la mission: Juillet 1926
Agents :

La BMS termine son enquête sur le lieu de naissance de l’Opium noir : l’Indochine. Elle y découvre une vieille histoire impliquant un collborateur de la branche occulte du 2eme bureau de l’armée...

29 juin 1926 : Les agents rembarquent sur le cargo des messageries maritimes en direction de Saigon en Indochine.

8 juillet 1926 : Leur cargo arrive à Saigon dans la soirée. Ils se présentent alors au capitaine de Rosay, l’homme du 2eme bureau local, qui semble être un homme à bout de nerfs, usé par l’alcool et le stress. Il prend leur lettre de mission avec désinvolture mais fait en sorte de les loger au cercle de garnison de Saigon. Les agents visitent la ville et son port plein d’activité, et font un repérage au 9 rue de la poste où se trouvent les locaux de la société du Nord Mékong. Le soir, dans un bar, ils retrouvent le capitaine de Rosay imbibé d’alcool dont ils ne peuvent rien tirer des lambeaux de phrases qu’il répond, si ce n’est qu’il est profondément désabusé et découragé. Ils passent ensuite leur première nuit en Indochine, qui est particulièrement éprouvante pour l’inspecteur Sarraut victime de la dysenterie.

9 juillet 1926 : Au matin, les agents vont enquêter au registre du commerce de Saigon sur la Société du Nord-Mékong (SNM). Ils apprennent qu’elle a son siège à Luang Prabang (Laos) et qu’elle se spécialise dans la culture et l’exportation de produits tropicaux, dont de l’opium ! Cependant, rien d’illégal puisque la culture de l’opium est permise en Indochine ; la production doit être intégralement vendue à la régie générale de l’opium qui a le monopole de sa distribution, alimentant de manière conséquente les finances du gouvernement colonial. L’exportation hors d’Indochine est en revanche strictement interdite. La SNM a une succursale à Saigon dont les bureaux sont au 9 rue de la poste et le directeur local se nomme Khamtay Hmong.

L’après-midi, les agents vont trouver le capitaine de Rosay dans ses bureaux de la garnison de Saigon. Il est à peu près à jeun et ils peuvent avoir une conversation utile avec lui.

Il leur apprend qu’il a été nommé en Indochine en 1919 comme chef du district de Pak-Beng. Si sa nomination est officiellement signée du gouverneur général de l’Indochine, il a dans les faits été placé à ce poste de Paris par le lieutenant-colonel Collot, le chef de la branche du 2e bureau chargé du paranormal. Collot l’a chargé d’organiser la pacification d’une région difficilement accessible, sur laquelle sévissent des bandes armées membres d’un culte cthuloïde. Il sait qu’il a pris la succession d’un officier du 2eme bureau devenu fou et qui quitta son poste en 1914, le commandant de Laribière, qui terrorisa les indigènes comme les Tcho-tcho par les exactions qu’il fit commettre par ses tirailleurs Sénégalais.

De Rosay s’employa a gagner la confiance des laotiens de son district et tenta de rétablir la sécurité en organisant des patrouilles dans les villages isolés. Des accrochages ont rapidement lieu avec des pillards Tcho-Tcho.

Durant l’année 1920 il ne peut que constater que les trafics d’armes alimentés par des indigènes « venus du sud de l’Indochine » se multiplient dans la région et que ses ennemis sont de mieux en mieux armés.
En 1921 il finit par localiser leur village, situe sur les flancs d’une montagne escarpée en forme de pain de sucre, au pied d’un lac.

En 1922, il part à la tête d’une colonne bien armée pour le village des Tcho-tcho. Ils rencontrent à mi-chemin des Tcho-tcho bien équipés d’armes à feu, un rude combat a lieu mais les militaires français, mieux pourvus en armes lourdes, ont le dessus et les rebelles sont dispersés. La colonne a alors poursuivi son chemin vers le village, et là... « Des créatures monstrueuses sont sorties de la jungle et ont massacré mes hommes », raconte de Rosay en tremblant. Il est revenu à Pak-Beng avec moins de la moitié de son effectif. Il a alors rendu compte de la situation à Paris. Collot l’a maintenu à son poste en lui donnant plus de moyens militaires, avec pour instructions d’établir tout un réseau de postes militaires dans les villages des plaines afin de sécuriser la région et de couper les pillards de leurs bases de ravitaillement.

En 1923 une cartographie minutieuse de la région est établie par avion, en prévision d’un autre raid.

En 1924 le résultat de cette politique commence à se faire sentir : organisés en milices entraînées par les hommes de Rosay, les habitants des villages laotiens se défendent efficacement contre les pillards Tcho-tcho. Cependant, des disparitions de villageois hors de leurs villages sont signalées.

En 1925, De Rosay constate que les moyens militaires lui sont de plus en plus comptés par le gouvernement général d’Indochine. Il en a rendu compte à ses chefs à Paris, qui n’ont pu faire évoluer la situation. L’année est aussi marquée par la perte d’un Breguet 14 hydravion qui disparaît corps et biens lors d’une reconnaissance aérienne sur le village Tcho-tcho.

C’est en 1926 qu’il s’estimait fin prêt à lancer son nouveau raid, ayant sous ses ordres deux compagnies de soldats expérimentés, équipés de trois mitrailleuses Saint-Etienne et d’un mortier de campagne, et soutenus par 5 bombardiers Breguet 14 de l’escadrille 571. Il s’apprêtait à partir quand il a appris sa destitution par le gouverneur général d’Indochine de son poste de chef du district de Pak-Peng. L’homme désigné pour lui succéder est le commandant Pontoise, un vieux militaire placide nommé contre l’avis du 2e bureau !

De Rosay est maintenant profondément désabusé par cette trahison. Son ancien adjoint, l’adjudant-chef Grouzard est resté à Pak-Peng et lui a appris que tout projet d’attaque du village Tcho-Tcho a été abandonné... Il est d’autant plus abattu qu’il a l’impression d’avoir été muté à Saigon dans un placard et abandonné par ses chefs à Paris. Mais pire encore, il pense que les Tcho-tcho ont carrément corrompu les autorités locales pour obtenir son renvoi ! Même à Saigon, il craint pour sa vie...

Les agents de la BMS, après avoir entendu toute son histoire, tentent de le rassurer et le remotiver : d’autres personnes à Paris veulent voir ce village détruit ! Ils consultent alors les archives du 2e bureau Indochinois, et peuvent voir des photos aériennes du village. Ils font aussi un découverte : à Pak-Beng, le commandant de Laribière avait une concubine Indochinoise nommée Vi Minh, qui doit toujours s’y trouver.

Quittant la caserne où ils ont passé une bonne partie de la journée, les agents décident le soir d’aller cambrioler les locaux de la SNM. Tandis que Sarraut et de Saint Véran font le guet, Rodier escalade la façade du bâtiment et pose le pied sur le balcon de l’étage où il ouvre un fenêtre. Hélas il est fort peut discret et il attire l’attention de deux gardiens laotiens se trouvant dans l’appartement, qui ont tôt fait de maîtriser Rodier à mains nues et sans bruit !

Le sort de ce dernier semblant scellé, Sarraut à la bonne idée d’alerter une patrouille de soldats sénégalais en faisant l’ivrogne. Les soldats accourent vers lui et il leur dit que « son copain est là-haut... » en leur désignant la fenêtre du bâtiment qu’ils décident d’aller inspecter. Les gardes laotiens ne peuvent que leur livrer leur cambrioleur, mais on peut penser que sans l’intervention de Sarraut, Rodier aurait été supprimé...

10 juillet 1926 : Après avoir passé la nuit en prison, Rodier est jugé devant un tribunal local où, grâce à l’intervention de Sarraut et de Saint-Véran, il est rapidement libéré moyennant le paiement d’une amende symbolique.

Sarraut tente ensuite de prendre contact avec la SNM pour rencontrer son directeur, mais la société est fermée.
Les agents jugent que les laotiens de la SNM sont désormais sur leurs gardes et que tout document compromettant éventuel a été mis à l’abri. Ils décident de partir pour le Laos le lendemain, et envoient un premier télégramme à Paris pour rendre compte de la situation.

11 juillet 1926 : L’équipe décolle avec de Rosay pour le Laos. Dans le mauvais temps, Sarraut, affaibli par la dysenterie, crashe le FBA 17 à côté du Mékong dans un bled qui s’appelle Kra-Tié. Retour à Saigon à dos de buffle, puis réparations du FBA...

18 juillet 1926 : Nouveau décollage pour le Laos à bord du FBA 17 réparé avec des moyens de fortune. Ils se posent le soir à Savannakhet, où ils passent la nuit.

19 juillet 1926 : Décollage le matin pour Luang Prabang, où ils passent la nuit après avoir visité la ville et tenté d’obtenir le plus de renseignements possibles de navigation aérienne. Ils trouvent également en ville les locaux de la société du Nord-Mékong, qui est également le domicile de Khorat Hmong.

20 juillet 1926 : Les agents décollent pour Pak-Peng, petit village situé au confluent du Mékong et d’un fleuve venant de la région des Tcho-Tcho. Pak-Peng est la chef-lieu d’un modeste district colonial, abritant une mission de pères blancs qui tiennent un dispensaire. Ils se présentent au chef du district, le commandant Pontoise, qui leur fait immédiatement l’impression d’être un incompétent ne contrôlant pas grand-chose et prenant sa tâche avec légèreté. Son accueil est assez froid quand il voit son prédécesseur, le capitaine de Rosay... L’adjoint de Pontoise, l’adjudant-chef Grouzard, est en revanche ravi de retrouver son ancien chef et fait le nécessaire pour trouver gîte et couvert aux agents.

Ceux-ci débutent leur enquête immédiatement et questionnent Grouzard s’il connaît des témoins à interroger au sujet de ce qu’à fait de Laribière en son temps, où s’il y a d’éventuelles archives à ce sujet. Il leur répond qu’il n’y a pas d’archives ici (on est en plein jungle !) et que les témoins directs des expéditions militaires de Laribière étaient ses hommes d’origine africaine, qui sont tous partis en 1914. Quand aux indigènes, cela l’étonnerait qu’ils veuillent bien parler de cet homme dont le souvenir leur inspire encore de l’effroi...

Cependant il se souvient avoir entendu que durant son séjour ici, de Laribière s’était trouvé une « concubine » du nom de Vi-Minh, et qui vit dans un village pas loin au nord de Pak-Peng. Les agents vont aussitôt à sa rencontre et avec beaucoup de diplomatie et quelques présents parviennent à la convaincre de leur parler de ce qui fut pour elle une période pénible de sa vie.

Elle n’a en fait que des souvenirs domestiques à leur raconter et qui confirme le fait que de Laribière était un homme cruel et dérangé. Mais le récit de son départ en 1914 attire toute leur attention. Il reçut l’ordre de partir précipitamment avec tous ses hommes pour l’Europe, et comme le bateau était plein à craquer il dut laisser quelques affaires dans sa maison. Celle-ci fut saccagée quelques jours après son départ par la population locale quasiment livrée à elle-même. Dans l’incendie qui suivit, une étrange fumée rouge se dégagea, et dans les restes on retrouva une statuette africaine en bois intacte, ainsi qu’un petit coffret du même bois. Prenant peur, les laotiens décidèrent d’aller enterrer ces objets maudits loin dans la jungle...

21 juillet 1926 : Suivant les indications de Vi-Minh, les agents de la BMS organisent une expédition dans le jungle pour retrouver les objets de Laribière qui y ont été enterrés. Ils retrouvent la statuette et le coffre, qui contient quelques feuillets épars détachés d’un journal de notes. Ces notes relatent ses plans d’attaque du village Tcho-Tcho : il comptait tout simplement invoquer au moyen d’un rituel africain une divinité majeure du mythe de Cthulhu au dessus du village ennemi, rituel incluant un sacrifice humain !

22 juillet au soir : Les agents rentrent à Pak-Peng et prennent le temps d’interroger les pères blancs. Ils font aussi une intéressante découverte dans le récit du plus vieux des religieux.

Au début des années 1900, ils ont découvert à Pak-Peng une pirogue dérivant sur le fleuve qui se jette dans le Mékong depuis la région nord. Elle contenait une vieille femme avec trois jeunes garçons, tous mal en point et à demi morts de faim et de soif. Ils étaient de l’ethnie des Tcho-Tcho et les pères blancs eurent toutes les difficultés à communiquer avec la vieille femme. Elle leur apprit qu’elle avait fui son village avec les trois enfants qui avaient été empoisonnés pour être sacrifiés à leur divinité païenne, où quelque chose comme ça. Elle les supplia de leur donner un remède de sa composition, ce que nous nous sommes décidés de faire quand un premier garçon est mort avec le ventre tout boursouflé en crachant une espèce d’huile noire. Le deuxième décéda aussi malgré le remède, mais le troisième, à force de vomir et cracher ses poumons, fut sauvé. La vieille femme est restée à la mission et prenait soin de l’enfant, jusqu’à sa mort trois ans plus tard où nous avons donné au jeune garçon une éducation religieuse. Il est parti vers le Cambodge peu avant la guerre et est entré dans les ordres...

Les agents en déduisent à la description des symptômes que les enfants ont été empoisonnés pour une raison inconnue à la sève noire, et que le remède préconisé par la vieille est un antidote à l’opium noir ! Ils en notent soigneusement les ingrédients, et s’en font une copie pour chacun d’eux. Ils décident de quitter sans délai Pak-Peng, ne voyant pas l’utilité de mener une reconnaissance forcément dangereuse sur le village Tcho-Tcho. Et bien qu’ils en mentionnent l’hypothèse, ils ne se sentent pas l’âme de sorciers africains en utilisant le rituel contenu dans les notes de Laribière, afin d’invoquer une horreur cosmique au dessus du village Tcho-Tcho.

23 juillet 1926 : Départ pour Luang Prabang en hydravion. Arrivés dans la ville, ils ont l’idée de rencontrer Khorat Hmong, dans sa maison. Se faisant passer pour des investisseurs, ils obtiennent une entrevue avec ce suspect qui les reçoit dans son bureau rempli de « chinoiseries » et qui les étonne avec ses manières d’occidental. Il leur propose un rendez-vous dans une de ses plantations d’opium, qu’ils acceptent mais n’honorent évidemment pas, repartant tout de suite pour le Cambodge à bord de leur hydravion.

A Saigon, où ils déposent de Rosay, ils décident de rentrer en France, après avoir envoyé un télégramme.

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