Opium noir (1) : Ah ! Si vous connaissiez ma poule...

Rapport de mission n° 83
Date de la mission: Mai 1926
Agents :

En enquêtant sur la mort d’un petit escroc, la BMS va découvrir l’existence d’un réseau de trafic d’une drogue utilisant une composante surnaturelle, l’Opium noir.

4 mai 1926

Paris, quai des orfèvres, bureaux de la Brigade Mobile Spéciale.

Le docteur Sabiani est contacté par un ami exerçant la profession de médecin légiste à l’hôpital de la santé. On vient de lui amener le corps d’un pensionnaire de la prison voisine qui présente quelque chose de peu commun : quelque chose bouge dans sa cage thoracique. Cinq agents partent avec le docteur Sabiani pour assister à l’autopsie (Inspecteurs Lafleur, de la Montmorandière, Rapenaud, Martel, et Rodier)

Sur place, ils apprennent que le défunt s’appelait Alphonse Bédard et purgeait une peine à la prison de la santé pour escroquerie. Au moment de commencer l’autopsie, cinq hommes maladroitement déguisés en infirmiers font irruption et indiquent qu’ils ont ordre de transférer le corps. L’inspecteur de la Montmorandière les prend en photo par surprise avec son flash au magnésium, ils sortent alors des revolvers et tirent sur les agents. L’inspecteur Rodier tue celui qui semble être leur chef d’une balle dans la tête avant de tomber à son tour grièvement blessé de plusieurs balles. Les quatre malfaiteurs survivants, tous plus ou moins blessés, prennent finalement la fuite et les inspecteurs de la BMS se font soigner à l’hôpital. Une opération permet de sauver de justesse la vie de l’inspecteur Rodier qui sort du coma mais doit rester hospitalisé. L’inspecteur de St Lienard prend sa suite dans l’enquête.

Remis de leurs émotions, ils rendent compte à la Brigade et une recherche anthropomorphique du malfrat tué est entreprise dans le fichier central de la police. Les inspecteurs valides pratiquent l’autopsie de Bédard pour découvrir dans ses poumons un horrible ver noir qui a percé les poumons de ses tentacules vers d’autres organes et la colonne vertébrale. Le ver a en fait littéralement mangé son hôte de l’intérieur en lui attaquant les tissus des organes avec son suc gastrique. Le ver était encore vivant... L’inspecteur de la Montmorandière lui tire une balle et le fait mettre dans du formol.

Revenus à la Brigade, ils se rendent au palais de justice voisin pour découvrir le dossier judiciaire d’Alphonse Bédard. Condamné le 3 janvier 1926 à 20 000 F d’amende et trois années de prison pour escroquerie, il se faisait passer pour son homonyme Alphonse Bédard, député, et membre de la commission des affaires indochinoises. Utilisant le prestige que lui conférait sa fausse identité, il réalisa plusieurs escroqueries et en profita pour s’introduire dans les cercles les plus restreints du Paris nocturne. L’inspecteur Lemaire, de la brigade mondaine, est à l’origine de son arrestation.

5 mai 1926

L’inspecteur Lafleur va rendre visite à l’inspecteur Lemaire, de la brigade mondaine. Il lui raconte sa « filature » de Bédard dans le milieu du Paris nocturne, ainsi que les lieux qu’il aimait fréquenter (restaurants, cabarets). Il s’affichait avec une superbe femme asiatique au bras. Elle l’a brusquement laissé tomber alors que les rumeurs de son imposture couraient dans le tout-Paris... Selon Lemaire, il aurait rencontré cette asiatique dans le restaurant « Les splendeurs de Saigon ». Ce restaurant est fréquenté par nombre de personnalités politiques ayant des intérêts dans l’empire colonial.

Les agents restés à la brigade parviennent à trouver dans le fichier central l’identité du malfrat tué à la morgue comme étant Doumé Sancerri, fiché au banditisme. Les renseignements généraux indiquent qu’il est souvent vu autour de la guinguette « chez Mimile », sur la Marne, possédée par un certain Emile Constantini.

L’après-midi, les agents vont à la prison de la santé enquêter sur Alphonse Bédard. Ils interrogent son voisin de cellule, un faux-monnayeur, qui parle de lui comme d’un vantard. Il parlait volontiers du temps de sa splendeur, et de la splendide « poule » chinoise qu’il avait connu. Le directeur de la prison leur apprend que Bédard était un toxicomane drogué à l’opium, et qu’un détenu nommé Mario Morterra a tenté de le tuer avec un couteau improvisé lors de la promenade. Après l’agression, Bédard fut isolé dans une cellule pour sa sécurité. Il y devint très agité, passa une semaine à hurler, avant de tomber dans une certaine torpeur et de décéder le 3 mai 1926. Morterra, condamné pour attaque à main armée, est un gangster lié au milieu marseillais. Il est muet comme une tombe lors de son interrogatoire, et affirme avoir agressé Bédard car celui-ci « lui manquait de respect ». En fouillant dans la cellule de Morterra, ils découvrent une lettre de sa vieille mère habitant Cassis. Dans cette lettre datée d’après l’agression elle écrit à son fils qu’il se rassure car elle a bien reçu de l’argent de « Monsieur Ferrucci ». Sans doute un paiement pour tuer Bédard ? Ou du moins d’avoir essayé. D’autre part, le registre des visites indique que Morterra aurait reçu peu avant l’agression la visite d’une certaine Madeleine Durieux, alors que d’habitude il ne reçoit aucune visite à l’exception de celle de sa mère deux fois par an.

Forts de ces renseignements, les agents retournent à la Brigade et enquêtent dans le fichier central sur Madeleine Durieux. Ils trouvent une fiche à son nom : c’est une « entraîneuse » déclarée exerçant dans un bordel nommé « Le cabaret rose », à Paris. Ils se font également communiquer le dossier du procès Morterra et n’apprennent rien d’intéressant si ce n’est que le commissaire Maurice Escagasse, de la police marseillaise, a contribué à son arrestation. C’est une vieille connaissance des agents de la BMS qui l’ont déjà rencontré lors de l’une de leurs précédentes enquêtes. Ils lui passent un coup de fil et celui-ci leur apprend que Morterra est un malfrat ayant travaillé pour Ange Gabriel Volponi, un parrain de la pègre locale, très impliqué dans divers trafics dont celui de la drogue. Volponi aurait pour associé, un libanais du nom de Karaboudjian. Le nom de Luigi Ferrucci lui dit quelque chose : c’est le « comptable » de Volponi.

Le docteur Sabiani, qui a entre-temps poursuivi l’autopsie de Bédard, apporte la confirmation que cet homme était effectivement drogué à l’opium dont on trouve des traces dans son organisme.

Le soir, L’inspecteur Lafleur va dans les restaurants fréquentés par Bédard avec Lemaire. Elle y rencontre un asiatique vêtu d’un costume blanc à la dernière mode, il dîne avec Albert Sarrault, actuel ambassadeur de France en Turquie, et qui a aussi été gouverneur général de l’Indochine, ministre des colonies et ministre de l’intérieur. Lemaire lui révèle que cet asiatique se nomme Nuran Hmong, qu’il est laotien et qu’il fréquentait beaucoup Bédard du temps de sa splendeur. C’est sans doute un homme d’affaires car il fréquente beaucoup les politiciens liés au gouvernement colonial d’Indochine.

6 mai 1926

Le matin, les agents passent un nouveau coup de fil à Escagasse, au sujet d’Emile Constantini et de Monsieur Ferrucci. Il leur répond que bien qu’il ne l’ait jamais rencontré dans ses enquêtes, nul doute qu’il s’agit d’un des multiples patrons de cabaret membres de l’organisation de Volponi.

L’inspecteur De la Montmorandière quitte Paris pour la Marne pour enquêter sur la guinguette « chez Mimile ». Il passe son après-midi et la soirée à reconnaître les lieux.

En se renseignant sur le restaurant « les splendeurs de Saigon », les agents de la BMS trouvent au registre du commerce que celui-ci est la propriété d’un certain San Van Throng et qu’il a été ouvert en 1922. En fouillant plus loin dans les archives des renseignements généraux, ils découvrent une enquête informant de l’existence d’une fumerie d’opium clandestine dans le restaurant « les splendeurs de Saigon ». Note restée sans suite...

Dans l’après-midi, les agents décident d’aller faire une visite du Cabaret Rose à la recherche de Madeleine Durieux, la femme ayant rendu visite à Morterra. Il y a pour l’instant peu de clients avant la sortie des bureaux, mais les filles et la patronne (Madame Lucienne Villiers et son mari Edouard dit « la carpe ») sont là. Les agents s’assoient à une table et commandent à boire, en écoutant le pianiste... Ils ont la surprise de constater que le très jeune serveur qui leur amène leurs consommations leur fait étrangement penser à leur supérieur, le commissaire Laspalès. Ils l’interrogent et il leur répond très poliment s’appeler Marcellin Villette, et avoir 11 ans. Quand il n’est pas à l’école il aide au cabaret où travaille sa maman qui se prénomme Simone... En interrogeant sa maman, ils apprennent que le jeune garçon est né des amours qu’elle aurait eu fin 1914 avec un soldat de passage dans la capitale, un zouave, qui dans le civil travaillait dans la police. Il s’appelait François... C’est exactement le signalement du commissaire Laspalès et les agents ricanent de cette insolite découverte dont ils s’interrogent déjà sur la meilleure façon de l’annoncer à leur chef. Mais pour le moment ils se concentrent sur leur enquête et questionnent Simone Villette sur sa collègue, Madeleine Durieux. Elle leur indique que Madeleine, « Mado », est la fille préférée du « protecteur » du cabaret, Marcel Rateau dit « le beau Mac ». C’est un mauvais garçon que Monsieur et Madame Villiers nourrissent et logent gratuitement, qui ne paie pas avec les filles et à qui ils remettent tous les mois une somme d’argent, ce qui ne semble pas leur faire plaisir... Les agents supposent alors que ce Marcel Rateau fait partie de l’organisation Volponi et rackette pour lui ce cabaret. Il partage son temps entre les filles et un bar voisin où il joue aux cartes. Les agents repartent alors à la brigade non sans avoir amené avec eux une photo du jeune Marcellin au milieu de toutes les dames du cabaret qui visiblement en ont fait leur mascotte.

Le soir, les agents de la BMS se décident à visiter incognito le restaurant « les splendeurs de Saigon ». Pendant le repas, un client d’une table voisine se lève et va gifler un autre client assis à une table voisine : il s’agit d’un militant de l’action française ayant reconnu un député et l’ayant giflé publiquement. Des serveurs laotiens expulsent sans violence le gifleur et la soirée continue sans encombre... Les agents remarquent un curieux manège de certains clients passant dans une sorte d’arrière-boutique. Après leur repas, ils indiquent au patron qu’on leur a recommandé ce lieu pour son opium et qu’ils s’offriraient volontiers ce plaisir. Méfiant, le patron accepte finalement et invite les agents à passer derrière le rideau donnant sur un petit couloir le long duquel se trouvent plusieurs boxes auquel on accède par des portes coulissantes. On les installe dans un box dans lequel ils s’allongent sur de confortables matelas disposés autour d’une table basse. On leur amène ensuite de l’opium « normal » qu’ils feignent de commencer à fumer. Les agents, une fois le serviteur parti, en profitent pour espionner les autres boxes et remarquent le député giflé entrer dans l’un avec une splendide chinoise. Ils matent à travers la charnière d’une porte coulissante et constatent que la femme asiatique fait fumer à sa victime de l’opium noir que l’on amène dans un petit flacon sur lequel une étiquette est posée, garnie de petits idéogrammes chinois. Une fois le député et sa geisha partis, ils inspectent leur box. L’un des agents a l’audace de franchir la porte du fond du couloir qui donne sur un local de stockage, dans lequel il trouve, entre autres choses usuelles, de petits flacons d’opium noir sur une étagère. Il dérobe l’un d’eux et quitte discrètement le restaurant avec ses collègues, imitant du mieux qu’ils peuvent l’attitude d’un fumeur d’opium rassasié.

La précieuse fiole d’opium noir est aussitôt posée dans le laboratoire du docteur Sabiani pour analyse.

7 mai 1926

Le matin, les agents rendent une visite à leur ami le journaliste Stéphane Zurich, qui travaille dans une feuille mondaine où l’on dévoile les potins du « monde »... En échange de la triste histoire du fils caché du commissaire Laspalès, celui-ci leur révèle quelques informations sur le monde des politiciens spécialisés dans les « affaires coloniales » et tout particulièrement indochinoises. Ils recoupent ces informations avec celles communiquées par l’inspecteur Lemaire de la brigade mondaine et peuvent établir que les personnalités suivantes ont fréquenté le restaurant « les splendeurs de Saigon » ou ont un goût prononcé pour les prostituées asiatiques, ce qui en fait des victimes potentiellement infectées par l’opium noir :

  Le général Louis-Alexandre Tissandier
  L’amiral Philippe Kerna’ch
  Les députés René Muratet et Armand Lebon, qui siègent à la puissante commission parlementaire des affaires indochinoises.
  Deux autres députés non-identifiés ont été également vus dans le restaurant.
  L’implication d’Albert Sarrault est incertaine, son poste d’ambassadeur de France en Turquie l’ayant éloigné ces temps-ci de la capitale.

La journée est consacrée à monter une planque et une enquête de voisinage de la fumerie d’opium clandestine.

Dans l’après-midi, le docteur Sabiani livre ses conclusions sur l’analyse du flacon d’opium noir capturé la veille. Est selon lui mélangé à de l’opium une substance noire. Cette substance noire contient des petits œufs de taille microscopique. Ces œufs doivent sans doute être inhalés et logés dans les poumons en fumant une boule d’opium noir, et doivent y éclore. La substance noire est analysée comme une substance nourricière des œufs. Sabiani suppose que l’œuf éclot dans les poumons et un petit ver s’y développe. Quand il n’a plus de substance noire nourricière que le fumeur avale aussi, le ver se nourrit sur les tissus de la victime. Celle-ci n’a pas d’autre choix que de continuer à fumer de l’opium noir si elle veut survivre !

Quant à la traduction des pictogrammes, ils sont écrits en chinois mandarin et veulent dire : « sang des deux démons » ou « sang du double démon ».

Le soir, une voiture à bord de laquelle se trouvent plusieurs gangsters français, livre on ne sait quoi au restaurant « Les splendeurs de Saigon ». A son immatriculation, ils découvriront qu’elle appartient à un certain Simon Piétri qui habite la Marne et travaille à la guinguette « chez Mimile » !

Dans la Marne, De la Montmorandière passe sa deuxième soirée à s’amuser dans la guinguette sans rien remarquer d’anormal. Il entame une partie de poker avec des joueurs qui semblent professionnels. Les joueurs de poker lui proposent une partie de cartes « où l’on joue autre chose que des haricots ». Il accepte et leur dit qu’il y sera dans quelques jours, il doit pour l’instant regagner Paris « pour affaires ».

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