Retour à Chatonnay

Approfondissant leur enquête sur le culte Cthuloïde sévissant dans le canton d’Arinthod, les agents de la BMS reviennent poursuivre leur enquête sur place après avoir réalisé des recherches à Paris et à Lyon. Alors que la neige tombe sur le Jura, les cinq agents vont réussir à décapiter le culte tout en subissant eux-mêmes de très lourdes pertes.

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Rapport de mission du 16 au 22 février 1937

Inspecteur de Police stagiaire Germain Lanquetot

Les inspecteurs principaux Evrard et Moulin, les inspecteurs Oujac et Lanquetot ont reçu l’ordre de repartir pour la localité de Chatonnay sous la direction de l’inspecteur Legrasse de manière à conclure de manière satisfaisante l’enquête de la semaine précédente.

L’inspecteur Oujac, à Lyon, a pris contact avec la fiancée du journaliste Lecomte, sans que cela n’apporte rien à notre enquête. Le reste de l’équipe a néanmoins rejoint l’inspecteur Lecomte - après s’être armé de manière significative - pour écumer les archives de l’archevêché de Lyon. Il apparaît qu’un culte basé à proximité d’Arinthod a déjà été signalé par l’inquisiteur dominicain Clément Lejeune en 1244 dans une lettre adressée à Jean Ier de Chalons. Il y fait allusion comme à un culte païen ancien, dangereux et organisé autour d’une « grande pierre ».

Les recherches complémentaires à Lyon - concernant la conservation des hypothèques - ou à Lons-le-Saunier ont été peu fructueuses. Il faut dire que la mobilité des agents a été sévèrement restreinte par une forte chute de neige à partir du vendredi après-midi. Seul l’interrogatoire mené auprès du chef de gare de Lons-le-Saunier a permis d’identifier trois chargements arrivés dans les semaines précédentes à destination de M. Gordon Martins. Ces trois chargements ont, de toute évidence, contenu les éléments constitutifs du pylône installé au lieu-dit du « Grand Jau ». Le troisième chargement, dont le contenu était, au dire des employés de la gare, le moins volumineux, apparaît comme étant le plus important : il provenait de Douvres. Le deuxième chargement, du matériel électrique venu de Dijon, a nécessité l’intervention de l’artisan Génau, sis à Orgelet.

L’interrogatoire mené auprès de M. Génau implique que MM. Gordon Martins et Isidore Mégévand se connaissaient et agissaient de concert pour l’édification du pylône sus-mentionné, une opération qui a nécessité entre deux et trois semaines pour être réalisée.

Nous nous sommes rendus à la tombée du jour du 21 février à Chatonnay - après un interrogatoire infructueux de l’adjudant-chef Pajon de la gendarmerie d’Arinthod. Nous nous réfugions dans un premier temps dans la ferme de feu M. Ruchon pour nous réchauffer, le froid est intense à tel point que l’inspecteur Oujac urine sur les chargeurs de son FM Chauchat saisis par le gel... Nous organisons une surveillance nocturne de la ferme de Mégévand, ce qui nous permet d’y observer la présence de Gordon Martins, ainsi que de deux hommes armés. L’un d’entre eux servait apparemment de garde du corps à M. Martins. L’autre semblait être affecté à la surveillance de la zone du lieu-dit « Le Grand Jau ». Les agents sur le terrain ont décidé de filer ce dernier afin de faire la lumière sur les agissements des autochtones.

Cette filature a permis de repérer la grande pierre à caractère religieux - qui paraît avoir été déplacé de quelques centaines de mètres dans la forêt sans l’utilisation de véhicules de levage - et d’une cabane de bûcheron située dans les hauteurs dominant le village.

Cette cabane paraît avoir été utilisée comme lieu de surveillance d’un monstre contre-nature - que les inspecteurs Evrard, Legrasse, Moulin et Oujac ont formellement identifié comme étant un « Sombre Rejeton de Shub-Niggurath ». L’homme armé que nous avons suivi a pris la relève, dans la cabane, d’un autre autochtone. Lors du départ de celui-ci, alors que notre groupe a révélé sa position, le gardien a appelé la Bête sur nous à l’aide d’un sifflet (pièce à conviction #1). S’il m’est permis de faire part de mes sentiments, la suite est peu flatteuse pour les agents de la BMS.

A la vue du monstre, l’inspecteur principal Evrard nous a enjoint de nous enfuir, une injonction qui a profondément perturbé notre ordre de bataille : au bout de quelques secondes, et malgré une mise hors du combat de l’autochtone par l’inspecteur Oujac avec son FM Chauchat, nous nous présentions une file désorganisée face au danger, plutôt qu’un front uni.

Ayant réussi à reprendre de force la mitraillette Thompson de l’inspecteur principal Evrard (qui paraît avoir temporairement perdu son sang-froid), l’inspecteur principal Moulin a fait feu sur le monstre depuis le fond de notre file indienne - me mettant immédiatement hors de combat. Que cette mention ne soit pas portée à charge contre feu l’inspecteur principal Moulin, car l’inconscience dans laquelle je sombrais alors m’a très certainement sauvé la vie. La dernière image que j’ai emportée est celle de l’inspecteur Oujac happé par les tentacules et dévoré vivant par la gueule avide du Sombre Rejeton, que les inspecteurs Moulin et Legrasse tentaient de sauver par le feu nourri de leurs armes.

Je suis revenu à la conscience au bout de ce qui paraît avoir été plusieurs dizaines de minutes. Tout autour de moi, les arbres étaient tordus par une puissante explosion, un profond cratère béait de noirceur et des déchets animaux et végétaux jonchaient le sous-bois sur plusieurs dizaines de mètres dans une écœurante odeur de chairs consumés et de végétaux en décomposition. Je me suis rendu dans la cabane de bûcheron pour me reposer un instant au chaud. C’est à cet endroit que je suis entré en possession du sifflet et du cristal énergétique (pièce à conviction #2).

Selon toute vraisemblance, j’ai ensuite mis plusieurs heures pour rejoindre la départementale 3 et me diriger vers Arinthod, en traînant le cristal énergétique derrière moi. C’est là que les gendarmes de Lons-le-Saunier m’ont trouvé inconscient.

Ce n’est qu’à l’hôpital de Lons-le-Saunier que j’ai appris que les corps des inspecteurs Legrasse, Oujac et Moulin avaient été identifiés sur les hauts de Chatonnay, irrémédiablement mêlés aux restes putréfiés du Sombre Rejeton.

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A titre personnel, Germain Lanquetot remercie le commissaire principal Laspalès d’avoir eu la touchante attention de lui détaché une garde-malade du One-Two-Two pendant sa période de convalescence à Lons-le-Saunier.

Selon les archives de la BMS, il apparaît quand même qu’une mission aussi mortelle que "Retour à Chatonnay" n’ait pas eu lieu depuis bien longtemps. Je doute toutefois que nous parlions à l’avenir avec fierté de cette mission et de son introduction "Simple Vérification".

Je souhaite finir sur une note cynique : la BMS, en plus des agents valeureux qu’elle a perdu ("quand un inspecteur principal explose, c’est une bibliothèque impie qui brûle !"), doit déplorer de fortes pertes matérielles : une Thompson, un fusil Lebel, une Chauchat à l’urine, une Winchester (propriété d’Evrard et prêtée à Legrasse) - sans compter les explosifs perdus dans l’affrontement. Et je ne fais même pas mention des éventuelles possessions spéciales que mes petits camarades transportaient avec eux !

Note : Une enquête postérieure de la BMS a permis d’élucider les conditions exactes du drame ayant causé la mort de plusieurs agents.
Les cinq agents sont arrivés en lisière de la clairière, pour voir un membre du culte en relever un autre de son tour de garde. Ce dernier quitte les lieux, fusil de chasse en bandoulière.
Puis est venu l’assaut du Sombre Rejeton de Shub-Niggurath : Evrard devient fou et s’enfuit avec la mitraillette thompson, l’arme la plus efficace des agents. Lanquetot et Legrasse commencent à tirailler avec leurs fusils et révolvers sur la créature (sans grand effet) qui traverse la clairière à leur rencontre, tandis qu’Oujac fait de même avec un FM Chauchat qui tire très lentement et finit probablement par s’enrayer. L’inspecteur principal Moulin, au lieu de tirer, poursuit Evrard pour lui prendre la mitraillette... Quand il y parvient, la créature a chargé sur les agents et dévoré Oujac, tandis que Lanquetot et Legrasse esquivent du mieux qu’ils peuvent les terribles tentacules. Moulin arrose littéralement la scéne avec la mitraillette qu’il maîtrise mal : deux balles perdues touchent Lanquetot qui s’effondre. Puis la mitraillette s’enraye... Mais à ce moment, le membre du culte parti de la clairière est revenu sur les lieux : il tire avec son fusil de chasse dans le dos de Moulin. Ce dernier est touché et portait dans son sac des bâtons de dynamite, qui ont explosé, pulvérisant lui-même, le cultiste, Legrasse et la créature. Lanquetot a survécu par miracle, étant allongé dans un léger creux au moment de l’explosion.

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