Aktion Schofar, 4eme partie - Luginë

Rapport de mission n° 147
Date de la mission: Juillet 1939
Agents :

La BMS mène une opération commando dans les montagnes albanaise et empêche la Karotechia de réaliser une mystérieuse cérémonie dans une vallée maudite.

=== Rapport d’enquête de l’inspecteur chef Juste Beauchamp, agent n°94 de la BMS, mandaté par le Commissaire Principal Laspalès sous les ordres du Commissaire Valois ===

== 27 juin 1939 ==

Nous venons de rentrer de Prague avec le journal de bord de Totth. Il contient des informations particulièrement précieuses sur le culte albanais qui semble à l’origine de tous nos problèmes. Apparemment, tout se serait passé dans une vallée reculée (mais ne le sont-elles pas toutes
dans ce pays ?) du nord-est, une vallée maudite dont ne sont revenus que quelques hommes du bataillon engagé à l’époque.

Nous commençons à étudier les différentes possibilités d’action sur le terrain quand nous recevons de nouvelles informations des services polonais. De nouveaux messages ont été interceptés concernant l’opération Schofar.

A en croire les retranscriptions, l’avion abattu au dessus du lac Ohrid il y a quelques semaines a bien été récupéré par les italiens stationnant en Albanie. Ces derniers auraient relâché les agents allemands mais auraient conservé l’artefact.

Les Brakas semblent prévoir leur cérémonie impie le 15 juillet et les allemands demandent donc d’offrir une forte somme d’argent au gouverneur italien afin de racheter l’objet convoité dans les temps. Pour contrer l’offre allemande, nous embarquons l’équivalent de 200.000 francs en lingots d’or.

== 28 juin 1939 ==

Nous nous envolons vers Nice à bord d’un Storch sous immatriculation française puis nous survolons l’Italie en direction de Zagreb, la dernière partie de ce vol étant un peu chaotique mais nous arrivons à destination. Le commissaire Valois en profite pour prendre un peu de
repos en France et confie temporairement le commandement de l’opération à sa vieille amie le commissaire Luzet.
Zagreb sera notre solution de repli en cas de problème, nous y passons la nuit.

== 29 juin 1939 ==

Nous repartons vers Monastir où nous arrivons dans l’après-midi pour refaire le plein afin gagner Pogradec. Là, pas d’aérodrome, nous sommes donc contraints d’atterrir dans un champ. L’Albanie est décidément aussi peu développée que nous le redoutions...

Un local, puis les gendarmes, puis une garde italienne nous mène au gouverneur sur notre demande. Il nous reçoit dans l’ancien fortin turc qui surplombe la ville. Nous sommes amenés à une grande terrasse offrant une vue imprenable sur le lac. L’homme est cultivé et élégant mais
c’est un vieux briscard.

Nous nous présentons comme des émissaires d’un riche collectionneur d’art et nous lui proposons d’emblée 100.000 francs mais l’offre allemande semble plus juteuse. Nous tentons le tout pour le tout et proposons l’ensemble de nos 200.000 francs. L’homme accepte et nous montre l’objet pour prouver sa bonne foi. L’utilisation de notre détecteur nous confirme rapidement que c’est bien ce que nous cherchons : une tête de taureau faite d’un métal
semblable à de l’or mais qui n’en est pas.

Luzet et Jousse restent sur place avec notre hôte, nous ayant offert l’hospitalité pour la nuit, alors que Focard et moi même retournons à l’avion chercher les lingots. A notre retour, un sous-officier vient perturber notre entrevue et la discussions semble animée ! Le gouverneur demande apparemment à ses hommes s’ils ne nous ont pas perdu de vue depuis notre arrivée.

Le gouverneur nous apprend alors que l’émissaire allemand a été retrouvé mort dans sa chambre d’hôtel, du sang lui collant des oreilles... Cela facilite un peu notre transaction mais, alors que nous décidons des suites à prendre, une lueur dans le ciel attire notre attention.
Une sorte d’étoile se rue vers nous puis se mue en une épaisse fumée noire dont apparaît une énorme créature infernale : un grand ver ailé à la mâchoire titanesque. La panique s’empare de nos hôtes et le commissaire Luzet en profite pour s’emparer de la tête. Jousse ouvre le
feu sur la bête, sans succès apparent. Cela attire toutefois l’attention de cette dernière et notre
luxembourgo-français ne doit sa survie qu’à un splendide roulé-boulé.

Alors que notre chef entreprend de se mettre à couvert, la bête active sa gigantesque queue et, même si la commissaire en sort indemne, elle lâche la tête de taureau. Focard tente à son tour de récupérer l’artéfact mais le ver lui chippe sous le nez avant de tenter de gober l’avocat.

Heureusement, elle le loupe de peu, laissant à notre collègue l’opportunité de fuir à son tour. Jousse récupère 3 des 4 lingots, en abandonnant un pour “payer les dégâts” puis nous profitons de la panique pour voler une voiture et filer aussi vite que possible vers notre avion.
Le commissaire Luzet nous apprend, une fois la tension retombée, que la créature est une horreur chasseresse et qu’elle en a abattu plusieurs par le passé lors d’épiques combats aériens. L’invocation de l’horreur nécessite le sacrifice d’une victime.

== 30 juin 1939 ==

Nous rentrons en France bredouille. Les allemands et leurs alliés albanais sont maintenant en possession de toutes les sculptures. Il est donc temps de planifier l’opération coup de poing qui nous permettra peut être d’empêcher le pire.

== 1er juillet au 7 juillet 1939 ==

L’opération est minutieusement planifié sur la base des informations fournies par le carnet de Totth. Le commissaire Valois reprend les manettes et sollicite la mobilisation du 2ème peloton de la 1er section d’infanterie du 603ème GIA composés d’hommes de la légion étrangère.

C’est donc une douzaine d’hommes qui accompagnent l’équipe d’agents de la BMS. Le plan est simple : un Farman embarque tout le monde jusqu’en Yougoslavie et de là nous passons la
frontière à pied et terminons notre marche pour nous rendre jusque dans la vallée maudite.

== 8 juillet 1939 ==

Le vol en haute altitude nous pétrifie de froid ou bien ce sont les angoisses de notre groupe qui interfèrent avec nos corps...

== 9 juillet 1939 ==

Arrivée à Pristina dans l’après-midi. Sur place, nous achetons les mules qui seront affectées au transport de notre matériel et payons un guide albanais du Kosovo, Osman, ainsi que les vivres nécessaires à l’expédition.

== 10 juillet 1939 ==

La randonnée commence. Il serait possible de se rendre à Pritzrend via la route mais cela rallongera fortement la partie à pieds et nous pourrions arriver trop tard. Le choix est donc fait de partir directement en marche forcée.

== 11 au 13 juillet 1939 ==

La progression dans la campagne albanaise est difficile et les locaux nous ouvriraient volontiers la gorge si nous n’étions pas aussi nombreux et armés. Deux légionnaires tombent rapidement malades, probablement à cause de l’eau que nous buvons, l’un d’eux ne peut même plus marcher. Nous l’arnachons à une mule et répartissons la charge entre les valides.

Le lendemain, alors que nous suivons un chemin longeant une gorge, le commissaire Valois voit le sol se dérober sous ses pas. Jousse et moi même tentons de la rattraper mais elle nous entraîne dans sa chute. Valois ne tombe que de quelques mètres et s’en tire avec quelques égratignures. Pour ma part, j’atterris beaucoup plus bas mais un coup de rein me permet au dernier moment de me remettre dans le bon sens et d’atterrir sur mes pieds sans
dommage.

Malheureusement, Jousse est sévèrement touché. Nous sommes obligés de le laisser derrière nous avec le malade et une garde de 3 valides.

== 14 juillet 1939 ==

La veille de la cérémonie supposée. Nous avons deux options :

● passer par l’entrée de la vallée, ce qui nous oblige à traverser le village a priori tenu par les Braka.

● escalader via un chemin plus direct pour arriver directement au dessus du fond de la vallée.

Malgré les risques, nous décidons que le temps presse et optons pour la deuxième solution. Notre effectif réduit et les difficultés de l’ascension nous obligent toutefois à laisser derrière le mortier ainsi que les mules et le guide.

Comme prévu, l’escalade est des plus compliquées et Focard a toutes les peines du monde à arriver au sommet. Alors qu’il gravit les derniers mètres, un des légionnaires, déjà arrivé en haut, se jette dans le vide. La chute est évidemment fatale.

Le groupe réunit sur la crête, nous ne pouvons occulter un vent terrible qui siffle jusque dans nos entrailles. Les mots de Totth nous reviennent évidemment en tête : “Le vent de la montagne m’a rendu fou”. Ayant prévu le coup, nous enfonçons nos boules Quiès dans nos oreilles mais
rien n’y fait. Le souffle impie grignote sans répits notre volonté.

Nous décidons d’établir le camp de base à flanc de montagne, sur un petit plateau, afin de nous protéger un peu. A l’aube, nous nous mettrons en position au milieu des grosses pierres bordant la descente dans la vallée qui ressemble finalement à un cirque. A noter que notre
détecteur Atlante surchauffe, il y a quelque chose enfoui ici.

== 15 juillet 1939 ==

Le soleil se lève dans une lueur rouge et notre équipe se met en place. Vers 11h, un groupe d’hommes encapuchonnés marche jusqu’au centre de la vallée et dégage au sol une sorte de grande pierre plate. Il ne nous a pas échappé qu’ils transportent des sacs qui semblent relativement lourds. Ils en extirpent trois têtes de taureau et entreprennent de les positionner sur la pierre.

Il manque apparemment une quatrième et dernière tête pour activer le mécanisme. Focard et un des légionnaires (belge) a alors une vision : un homme chevauche dans les airs sur un char de feu, ce pourrait être Hermès, le messager des dieux. Ils me voient ensuite tel un être
enflammé pourvu d’ailes.

Alors que nous tentons de raisonner nos acolytes, notre attention est attirée par des bruits de moteur. Deux Storch allemands sont en approche ! Ils se posent à l’entrée de la vallée et commencent à descendre de l’avion pour rejoindre les albanais. Il ne faut plus trainer et, avec la fougue qu’on lui connaît, la commissaire Valois ordonne d’ouvrir le feu !

Dès la première salve, Focard descend celui qui semble être le chef des albanais, peut-être un sorcier pendant que la mitrailleuse manœuvrée par les légionnaires fauche une bonne partie des sectateurs restants. Pour ma part, je reste prêt à porter secours aux blessés quand le
commissaire m’interpelle, m’intimant de descendre, mitraillette au poing, avec 3 légionnaires.

Je tente de lui expliquer que c’est du suicide mais c’est peine perdue et notre fougueuse quadra me jette son fusil en ronchonnant et en entamant la descente, mitraillette au poing. Je sens alors une présence au dessus de nous et voit un homme ailé et quasiment nu, flottant dans l’air et
criant un “Chargez !” empli de fougue, la vision s’estompe toutefois rapidement.

Les sectateurs tombent un à un et la victoire semble se profiler quand les allemands, qui ont fait demi-tour, décollent de nouveau. Ils entament alors une série de passages visant à nous arroser avec leur mitrailleuse de queue ! Le feu est nourri et nous sommes tous obligés de nous tapir dans les pierres pour éviter le pire.

Pendant ce temps, notre escouade de mitrailleurs menée par Valois continue sa progression sur le flanc des sectateurs survivants. Un légionnaire est blessé, puis un autre mais la commissaire tient bon !

C’est alors qu’un des Storch se pose tout près de nous et un allemand en sort pour se ruer vers la pierre et les têtes de taureau. Tous les tirs se tournent logiquement vers lui et il est mis en charpie avant de faire un mètre. L’avion au sol subit également un feu nourri et son mitrailleur prend une balle perdue entre les deux yeux. Le pilote, blessé, remet les gaz et arrive à décoller
de justesse en frôlant le flanc de la montagne. Valois tente, la rage au cœur, de sauter dans l’avion au dernier moment sans succès.

Le deuxième avion poursuit cependant ses manœuvres et le légionnaire tenant la mitrailleuse se fait littéralement découper en deux lors d’un des derniers passages. Voyant la
situation leur échapper, les allemands font une dernière passe alors que Valois se précipite pour récupérer les têtes.

Ils lâchent un objet de l’avion et tout le groupe retient son souffle, pensant à une bombe... heureusement, c’est juste un sac et l’appareil disparaît derrière la ligne de crête.

Le sac contient la 4eme tête de buffle, celle en possession des allemands récupérée dans la collection Totth... Interloqués par cette dernière opération, nous récupérons les quatre têtes. Elles sont particulièrement chaudes, probablement car elles sont maintenant réunies et il faut nous les répartir pour faciliter le transport: : une à Focard, une à Valois et les deux dernières à des
légionnaires. Je panse les blessés et pendant que les autres inspectent la pierre. Elle semble être faite dans une sorte de métal inconnu et résiste à toute tentative de destruction. Nous décidons de repartir au plus vite, ne souhaitant pas affronter les renforts d’un camp ou d’un
autre, encore moins savoir à quoi servent les têtes.

Alors que nous sommes presque sortis d’affaire, Focard et les deux légionnaires transportant les têtes voient un jeune éphèbe dans la vallée, il leur fait signe. Nos camarades, subjugués par cette vision, redescendent d’où nous sommes venus... Le plan des allemands commence à
s’éclaircir : s’ils n’ont pas pu ouvrir le mécanisme, peut être pouvons nous le faire à leur place !

Valois commence à descendre pour les raisonner, j’en fais de même, demandant un coup de main aux deux légionnaires valides n’ayant pas encore quitté la vallée.

Malheureusement, ces derniers succombent également à l’appel et, alors que Valois leur intime de se rendre, ils
sortent leur mitraillette. La commissaire en fait de même et, alors que je tente de m’interposer, tous ouvrent le feu. Quelques secondes plus tard, nous nous en sortons miraculeusement indemne alors que les deux légionnaires gisent au sol, l’un abattu par mégarde par son partenaire, l’autre une balle de Valois dans la tête.

Ne voulant pas risquer de voir la 4ème tête rejoindre ses semblables, nous la jetons hors de la vallée le temps que Valois use de ses sombres talents pour convaincre les trois hommes. Afin de ne prendre aucun risque, nous séparons les têtes le temps de tous nous regrouper auprès
de notre guide qui attend depuis la veille.

== 16 au 20 juillet 1939 ==

Le retour se passe sans encombre et nous récupérons les gars laissés derrière. A l’appel manquent le légionnaire abattu par les allemands ainsi que ses deux collègues victimes de la vision.

Lors de notre dernière nuit, nous investissons une ferme albanaise avec l’intime conviction que nous serons bientôt de retour à la civilisation. Pendant la nuit, nous avons toutefois un visiteur : face à nos mitrailleuses se tient un homme d’environ 2 mètres, à la peau noire comme
la nuit, nimbée d’une aura rouge et dotés de pieds à sabots fourchus. Il est vêtu d’une longue
toge rouge ornée de hiéroglyphes aussi bien que d’ahnks inversées et se présente comme le messager du sultan des dieux.

Il nous parle dans un français teinté d’un léger accent albanais et demande les têtes de buffle en échange de nos vies. Les débats sont intenses, certains agents reconnaissant ce qui pourrait être une incarnation de Nyarlathotep et, à la surprise générale, le commissaire nous donne l’ordre de lui donner ce qu’il veut.
Respectant les ordres, nous déterrons les têtes que nous avions camouflées pour la nuit et, alors que l’avatar s’en va, Focard se précipite à l’endroit où il était et confirme ses soupçons : les traces de pas sont absolument normales : il y a des traces de pas alors que l’avatar a des pieds en sabot ! Il nous crie d’ouvrir le feu et se lance à la poursuite de l’homme.

Quelques mètres plus loin, un groupe d’albanais attend, fusil à l’épaule, prêts à ouvrir le feu sur l’avocat. Voyant son heure arrivée devant ce véritable peloton d’exécution, celui-ci se jette au sol pendant que le fer et le feu déferle depuis nos positions.

Un premier albanais tombe, réduisant d’autant leur puissance de feu et, coup du sort, l’auteur de la supercherie s’écroule au sol, une balle perdue de ses compatriotes en travers du crâne. Il semblerait que les “dieux” albanais ne soient pas immortels finalement.

Focard, toujours à découvert, décide de tenter le tout pour le tout et dégoupille une grenade. Cette dernière atterrit dans une position parfaite, pile au cœur du groupe albanais. La panique s’empare des albanais et alors que l’un d’eux ramasse enfin l’engin, l’explosion salvatrice retentit, réduisant en charpie la totalité des embusqués.

Avec quelques sueurs froides, nous récupérons les têtes, non sans avoir réfléchi à notre imprudence de dernière minute. Il s’en est fallu de peu pour que des semaines d’investigations soient réduites à néant par un vulgaire déguisement !

De retour à Paris, je m’attelle à la rédaction du présent rapport. Seront versés aux archives de la BMS :

● le carnet de Totth

● les 4 têtes de buffles

● la carte indiquant la localisation précise de la vallée maudite

Qu’est-ce que les allemands voulaient réveiller en Albanie ? Nous ne le saurons probablement jamais, mais c’est mieux ainsi, il y a des choses qu’il vaut mieux ignorer. Toujours est-il qu’à l’orée d’un conflit qui semble inévitable, il est réconfortant de songer que nos ennemis ont perdu un gros investissement... et que les trompettes de Jéricho ne résonneront pas d’aussi tôt en
France ou ailleurs.

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